LES YEUX DE BACURI ( Repare Bem )

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Les yeux de Bacuri (Repare bem)

Par Isabel Strelow Antunes


Les Yeux de Bacuri sont, avec un chandail et deux photos, tout ce qu’il reste à sa fille Eduarda, qui naît alors qu’il est en détention. Elle ne connaîtra jamais son père, torturé et assassiné sous la dictature brésilienne (1964-1985).

Eduardo Leite, de son vrai nom, fait partie de la jeunesse révolutionnaire de la fin des années 1960 Au sein des guérilléros qui refusent le régime autoritariste et sanguinaire instauré pour faire barrage au communisme, il devient rapidement un personnage-clé, essentiel à l’organisation de l’ALN (Action pour la Libération Nationale). Les enlèvements de diplomates seront ainsi monnaie d’échange pour obtenir la libération des prisonniers politiques. C’est dans ce contexte de guérilla urbaine que Denise Crispim, elle-même fille de communistes, rencontre Bacuri. De nombreux appartements servent d’« appareils », autrement dit de caches pour les réunions mais aussi pour les séquestrés : c’est dans l’un deux qu’elle croise pour la première fois le regard bleu-glacier du révolutionnaire, qu’on lui conseille de vite oublier.

On comprend dès les premières minutes que le documentaire, à travers le témoignage de Denise, est un hommage à Bacuri mais aussi un cadeau à sa fille qui, quarante ans plus tard, peine à trouver l’apaisement. Celle-ci est souvent filmée en plans larges, dans son environnement : son atelier de tapissière, sa maison, la rue, alors que ce sont les gros plans qui accueillent le visage radieux et ému, parfois furieux, de sa mère installée très symboliquement devant un mur de dossiers. S’enchaînent alors anecdotes empreintes de légèreté et récits poignants : sur Bacuri bien sûr, mais aussi sur ses propres parents, qui ont comme elle connu l’exil, et son frère, mort à vingt-deux ans. Ironie de l’histoire, la famille, bannie au Chili en 1971, est rattrapée par le fascisme. Les exilés politiques ne sont pas les bienvenus alors que gronde la contre-révolution contre Salavador Allende…

Maria de Medeiros, à qui l’on doit Capitaines d’Avril (sur la Révolution des Œillets au Portugal), semble avoir à cœur de recueillir la mémoire des années 1970, qui marquaient l’apogée ou la fin de nombreuses dictatures, alors qu’elle était elle-même enfant. Son documentaire, réalisé en 2012, ne peut que revenir dans l’actualité sous la présidence brésilienne de Bolsonaro. Ce dernier, alors simple député nostalgique de la dictature, avait osé voter pour la destitution de Dilma Rousseff en rendant hommage au bourreau qui l’avait torturée dans ces mêmes années. Le travail de mémoire n’est décidément pas fini quand on sait qu’en 2018 une école de samba a voulu faire de même lors du Carnaval de São Paulo.

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